La Culture, enjeu des élections régionales ?

La campagne électorales pour les régionales de décembre 2015 a commencé très tard. Mal expliquée et mal comprise, la réforme territoriale va devenir l’enjeu d’un combat politique qui excède très largement son propos initial.

La montée du Front National est donnée comme irrésistible, le FN devenant LE parti d’opposition pour une majorité de ceux qui se sentent floués par les partis traditionnels. Bien que le 2ème tour ne soit pas joué, la situation est très préoccupante et entraîne -bien tardivement- diverses réactions.

De nombreux syndicats, organismes et associations font connaître leur opposition au programme et aux propos du FN. La FSU a appelé à «  voter et faire barrage au FN » le 1er décembre 2015 (http://www.fsu.fr/Elections-regionales-voter-et.html). Le SNAC participe résolument à ce mouvement, d’autant plus que l’ensemble des questions culturelles est directement impacté.

Qu’est ce qui est en jeu ?
Même si la Culture est partagée par la loi NOTRe entre les divers niveaux de collectivités, elle figure en bonne place dans le projet régional :
« Le conseil régional a compétence pour promouvoir le développement économique, social, sanitaire, culturel et scientifique de la région… ainsi que… la préservation de son identité et la promotion des langues régionales…».
Et le FN n’a pas manqué de s’en emparer.

A priori, la Culture semble pourtant secondaire dans la campagne du FN. Elle apparaît peu dans les professions de foi sauf sous forme de quelques phrases préformatées qui reviennent en leitmotiv : « défendre et promouvoir notre identité… », « protéger notre patrimoine culturel et architectural enraciné », « supprimer les subventions aux associations communautaristes », « manger français dans les cantines ».. .Soit un discours bien connu de crispation identitaire et de rejet des autres, domaines de prédilection du FN.

Mais dans les programmes et les déclarations de certains candidats se font jour diverses propositions qui laissent entrevoir un projet culturel qui s’affine peu à peu.

  • En PACA, Marion Maréchal-Le Pen avait déjà fait sensation lors de l’Université du FN en dénonçant l’art contemporain et en prônant « une culture populaire où notre patrimoine et notre identité seront mis en valeur ». Elle veut favoriser les artistes locaux et créer un « Puy-du-Fou » provençal. Elle prône une identité chrétienne au mépris de la laïcité républicaine.
  • En Languedoc-Roussillon, la liste de Louis Aliot comprend des représentants de la Culture, notamment Didier Carette, l’ex directeur du théâtre Sorano, Gabriel Robin, le secrétaire général du CLIC (Collectif Culture, Liberté, Création, lancé par le FN en juin 2015) et l’ancienne adjointe à la Culture de la ville de Toulouse, preuve de l’attention qu’il prête au sujet.
  • En IDF, Wallerand de Saint-Just déclare « Notre exception au Front National est française avant d’être culturelle… » et s’en prend prioritairement au FRAC.
  • En Aquitaine, Jacques Colombier défend « nos identités locales, parties intégrantes de l’identité nationale, par la création de centres régionaux d’information sur les identités, les traditions et les cultures en Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon ».
  • En Picardie, Marine Le Pen a pris Sébastien Chenu, président du CLIC, comme co listier et essaie de rallier les artistes en les flattant dans une lettre ouverte :  « Je tenais à m’adresser directement à vous pour vous dire combien, comme artiste, vous comptez à mes yeux… ».
    Une réponse immédiate lui a été apportée par un communiqué signé de plus de 800 artistes : « Seuls les intrigants, les traîtres et les crédules, pourront croire un instant que la liberté de création a un sens pour le parti qui est le vôtre ».

La Culture fait donc bien partie de la ligne de front qui se dessine. Identité culturelle, patrimoine « enraciné », langues régionales instrumentalisées, préférence nationale, rejet de l’art contemporain, dénonciation de l’art « élitiste », on retrouve là tous les thèmes chers l’extrême droite, même si des essais de travestissement sont parfois tentés dans le cadre de la « dédiabolisation » mariniste.

Les exemples grandeur nature des gestions municipales frontistes -ou proches- montrent que le naturel revient vite au galop…
La suppression de centres culturels à Beaucaire, l’organisation d’un concert de rock néo-nazi et l’expulsion des résidences d’artistes à Fréjus, l’invitation de Philippe de Villiers ou Eric Zemmour à Béziers, la suppression de la danse orientale à Cogolin, l’organisation de la Fête du Cochon à Hayange, les menaces sur l’école d’arts plastiques à Mantes-la-ville, la guerre ouverte menée par le FN contre la Friche de Mai à Marseille, donnent quelques idées de ce qui pourrait se mettre en place à plus grande échelle.

Et c’est bien sûr la répétition qui peu à peu sert à affiner la ligne programmatique de Marine Le Pen pour les élections présidentielles de 2017.

Nous en dénoncerons tous les leurres et les dangers.