Expecto Patronum, UDAP dans la tourmente

Non, nous sommes pas dans Harry Potter et l’attente de « Patronum » n’est pas celle d’un animal totem, nous sommes dans la vraie vie et c’est plutôt la perspective d’aller au-devant d’un tas de problèmes que celle de rencontrer un cerf lumineux qui fait le quotidien des agents des UDAP ces temps-ci.

Les Unités départementales de l’architecture et du patrimoine – les émanations des DRAC dans les départements – sont en effet les services qui subissent la première vague du déploiement de Patronum, une application informatique qui, dans un second temps, servira à équiper également les autres services patrimoniaux des DRAC, à savoir les Services régionaux de l’archéologie et les Conservations régionales des monuments historiques.

Pour celles et ceux qui ne connaissent pas bien les DRAC, les UDAP sont de petits services (entre cinq et quinze agents) qui s’occupent des autorisations d’urbanisme que doivent obtenir les entreprises et les particuliers lorsqu’ils veulent effectuer des travaux à proximité d’un monument historique. Donc, si vous habitez dans une zone protégée et que vous voulez poser un velux ou changer un portail, vous devez avoir l’autorisation de l’architecte des bâtiments de France (le chef de l’UDAP) de votre département.

Or la loi ELAN (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) de novembre 2018 comprend un volet « dématérialisation » qui stipule que, à partir du 1er janvier 2022, dans les communes comptant plus de 3500 habitants, les autorisations d’urbanisme devront être traitées par voie numérique, de manière à « simplifier les relations entre l’administration et les citoyens ». On sait qu’en langage managérial, « simplifier » signifie « casser des emplois ». Mais en l’occurrence, cela signifie aussi mettre un certain nombre de services en stress aigu par l’introduction à marche forcée de systèmes informatiques non aboutis.

Il faut dire que, comme d’habitude, tout le monde a pris du retard, à commencer par le niveau interministériel qui a mis plus de temps que prévu, dans le cadre d’un programme joliment nommé « DEMAT’ADS » pour développer « PLAT’AU », l’outil sur lequel, à partir de janvier, les communes sont priées de déposer leurs dossiers pour instruction par les différents ministères concernés.

A partir de là, tout est automatique : PLAT’AU transmet les pièces sur les applications dédiées à chaque service, c’est donc avec PLAT’AU que PATRONUM est censé dialoguer, d’où une succession de retards.

Et donc l’outil PATRONUM dédié aux services patrimoniaux (UDAP, SRA, CRMH) n’est pas prêt pour le grand jour. Selon de nombreux collègues nous sommes à la ramasse !

La formation des agents des UDAP est engagée (550 collègues à former entre le 11 octobre et le 19 décembre) et chacun expérimente un outil non abouti, en cours de modification (ou pas), et le doute s’installe. Les agents déjà formés ou plutôt informés ne peuvent que comparer PATRONUM avec GESTAURAN (le précédent système) et en mesurer les écarts.

La FAQ dédiée sur OSMOSE (la plateforme d’échange et d’information mise à la disposition des agents) explose, des centaines de questions remontent : nomenclature des pièces, lourdeurs et redondances rédactionnelles, délais de chargement, approximations dans les appellations réglementaires… beaucoup appellent à des ajustements dans le développement de l’outil. Mais les réponses se font attendre : les développeurs, tributaires des applications tierces et progiciels support de l’application, mettent en avant de sacro-saintes mesures de sécurité.
Et au-delà des ajustements indispensables et nécessaires sur l’application d’instruction PATRONUM, la scission avec l’application de signature PARAPHEUR apparaît inopportune pour les métiers des UDAP. Elle ne tient pas compte de la réalité des petits services que sont les UDAP et de la nature des actes émis (fluidité de l’échange dans un traitement de masse), avec une lourdeur d’utilisation disproportionnée qui fait de l’outil PARAPHEUR une usine à gaz inutilisable en l’état
Outre ces difficultés, les UDAP seront également amenés à modifier radicalement leurs organisations pour intégrer l’ensemble des agents à l’évolution de ces missions, sans compter sur la très probable gestion d’un double flux papier/numérique, impossible à quantifier… Aujourd’hui, cette surcharge de travail induite n’est pas maîtrisée et laisse les agents sans réponse !

Tout cela a-t-il été anticipé par l’élite managériale du ministère de la culture ? Évidemment non, le dossier a été traité avec une telle négligence que les organisations syndicales ont été contraintes, en guise de protestation, de boycotter le CHSCT ministériel où le dossier devait être abordé, ce qui était totalement inédit pour cette instance.

Bien sûr tout n’est pas de la responsabilité du ministère, par exemple : les collectivités territoriales ont développé des systèmes locaux qui leur conviennent et elles trainent des pieds pour adopter PLAT’AU, et du coup personne ne sait combien de communes vont l’utiliser et donc combien de dossiers vont être instruits via PATRONUM, ce qui empêche les UDAP de pouvoir s’organiser.

Mais le ministère a lui-même accumulé les retards. Les formations des agents des UDAP étaient prévues pour octobre, celles des agents des CRMH pour novembre et celles des SRA pour décembre. Avec le nouveau planning, seuls les agents des UDAP seront formés avant le déploiement obligatoire au 1er janvier 2022. Et il n’est pas question de mettre en cause les formateurs qui font ce qu’ils peuvent, c’est le projet global qui a été pensé sans égard pour les conditions de travail des personnels. Quant à l’outil lui-même, il s’avère que nous sommes encore loin d’une version opérationnelle, ce qui ne permet même pas de pouvoir évaluer avec précision les impacts de son utilisation sur les différentes catégories d’agents (architectes, techniciens, administratifs) qui concourent à l’instruction des dossiers. Comme on ne sait pas quels défauts vont pouvoir être ou non corrigés, on ne peut pas prévoir dans quelle mesure les habitudes de travail, et en particulier la distribution des tâches au sein des équipes, vont être chamboulées.

En attendant, c’est donc un outil en phase d’expérimentation que les agents vont être contraints d’utiliser à très court terme. Le SNAC-FSU demande que soient traités en urgence les ajustements nécessaires pour garantir l’utilisation de cet outil dans des conditions raisonnables. Parce que, pour le moment, ça ne fonctionne pas, petit florilège non exhaustif :

– ergonomie du logiciel peu intuitive, architecture à revoir ;

– vocabulaire mal choisi (ex. « servitudes » dans GESTAURAN devient « contraintes » dans PATRONUM ;

– beaucoup trop de clics pour valider une étape ;

– la complétude devrait être vérifiée avant de transmettre à l’instructeur : cela pose la question des missions des assistants et de l’organisation des services en UDAP ;

– quid des formations et des différences entre formateur et administrateur référent ?

– à quand des formations en présentiel ?

– dans PATRONUM, l’instruction ADS (application droit des sols) s’inscrit dans une chaîne, qui verra quoi ?

– problèmes des pièces complémentaires : on ne peut pas les lister pour les demander à l’autorité compétente mais on peut ajouter nos pièces en complément, sans qu’on puisse en identifier l’origine ;

– problème de sélection/dé-sélection des « contraintes » (anciennes servitudes) : il faut enlever les servitudes en trop au lieu de choisir celles qu’on veut ;

– le « glossaire » devient la « Bible » ; le bouton pour localiser s’appelle « j’ai de la chance » ;

– l’ABF reçoit 2 lots de signatures : à 09h30 puis à 15h30. Si l’avis est urgent, s’il est fait à 15h31 , alors on est obligé d’attendre le lendemain à 09h30 pour la signature ABF ;

– si l’ABF refuse de signer un dossier du N-1, il doit obligatoirement rédiger quelques lignes à son N-1 pour que celui-ci effectue les modifications, l’ABF ne peut pas modifier lui-même l’avis ;

– pour les ABF, ce sera assez lourd car il faudra un login + un mot de passe + un code PIN. Ils pourront signer dans le serveur (logo nuage) ou à l’extérieur (logo carte à puce) ou sur leur téléphone portable (aller voir des permis sur tél portable, est-ce bien raisonnable, vu le format de l’écran ?)

– chaque commune serait orientée vers un seul instructeur, ce qui n’est pas toujours adapté à l’organisation du service.

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