Dérives anti-démocratiques

Les évènements sociaux du 2e trimestre 2016 ont jeté un éclairage désastreux sur le gouvernement. A un an des élections, le président, son premier ministre et son ministre de l’Intérieur, ont endossé les habits d’un autoritarisme outrancier, affichant le même mépris vis à vis du peuple qu’envers ses représentants, et ne se vouant plus qu’à la force policière pour imposer leur politique… Ouvrant ainsi la voie aux plus dangereuses dérives.

Le 2e trimestre 2016 aura été marqué par une cascade d’évènements sociaux auxquels les électeurs de François Hollande étaient loin de s’attendre. Travailleurs, jeunes, retraités ont été confrontés à une succession d’atteintes profondes aux aspirations des mouvements de gauche difficilement imaginables : dislocation du Code du travail, négation du choix des électeurs et de leurs représentants par la double application du 49-3, attaques directes au droit de manifester. Et pour couronner le tout, dans un savant mélange des genres, maintien ad sine die ? de l’état d’urgence, mettant ainsi le pays sous le pouvoir discrétionnaire du ministre de l’Intérieur et de ses représentants, multipliant procédures arbitraires, injustices et violences policières.

Les témoignages sur les violences et exactions policières, relayés de plus en plus souvent par des magistrats, n’ont pas manqué tout au long de ce quinquennat, et en dresser la liste, procédure très utile en soi, serait un autre propos.
On peut simplement pour mémoire renvoyer à quelques informations ou sites fort explicites.
Les internements abusifs d’étrangers n’ont jamais été aussi nombreux.
L’état d’urgence conduit à de tels abus que le défenseur des droits Jacques Toubon, qui est pourtant loin d’être un gauchiste, s’en inquiète.
Sur ce dossier, on peut consulter utilement la quadrature du net ainsi que le site du GISTI.
Les victimes de violences policières (Voir par exemple : Urgence, notre police assassine ou A toutes les victimes des Etats policiers) n’ont droit à aucune justice. Si le cas de Rémy Fraisse a eu un certain écho dans la presse, dans la plupart des cas les noms des morts ne dépassent pas la chronique des faits divers locaux, quant aux blessés…
Un article du Monde du 26 novembre 2014 signale d’ailleurs que s’il existe des statistiques comptabilisant les violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique, aucune autorité ne compte le nombre de personnes tuées ou blessées par la police ou la gendarmerie contrairement à ce qui se fait dans nombre de pays (la chronique macabre des exploits de la police américaine est là pour nous le rappeler).
Un pas nouveau vient encore d’être franchi, dans lequel l’acharnement du parquet de Paris qui demandait un procès pour terrorisme dans l’affaire Coupat est un symptôme représentatif.
Dans le cadre des manifestations contre le projet de loi travail, le gouvernement n’a eu de cesse d’opposer syndicats (toujours présentés comme seule CGT sans tenir compte des autres organisations participant au mouvement) et forces de police. Les dernières manifestations, que ce gouvernement dit socialiste a même envisagées d’interdire, se sont déroulées sous un contrôle strict de la police : interdiction d’office de manifester sur décision policière, contrôle et refoulement de manifestants (par exemple sur la simple possession d’un foulard), provocations des policiers encadrant au plus près les manifestants… Le 28 juin, l’AG interpro réunie à la bourse du travail à Paris se retrouve bloquée par les CRS et les gendarmes… Le 6 juillet, plusieurs militants syndicaux sont arrêtés et placés en garde à vue…
Le coût, et la pollution, que représentent les heures de vol d’hélicoptères au dessus des manifestations ne sont bien sûr jamais évoqués.
Quant au devenir des milliers de photographies de manifestants prises et engrangées par la police, nul n’en parle.

Fort de son impunité, la police s’en prend désormais ouvertement à la liberté d’expression.
Après les agressions contre l’expression syndicale à la suite de la sortie de l’affiche du syndicat Info’Com de la CGT, elle attaque aujourd’hui l’expression artistique.
Dans le cadre de la deuxième édition du Street Art Fest de Grenoble, la fresque de Goin représentant deux policiers, dont un muni d’un bouclier marqué “49.3”, matraquant Marianne à terre, appuyée contre deux livres, 1984 de George Orwell et Brave New World d’Aldous Huxley, est l’objet de nombreuses attaques, dont celle du syndicat de police Alliance qui annonce son intention de porter plainte. Et le ministre de l’Intérieur n’est pas en reste, demandant sur twitter au maire écologiste Eric Piolle qu’il exprime “ses regrets” aux policiers à propos de cette fresque. Pour l’instant, le maire a refusé d’effacer la fresque (qui a été taguée…), se retranchant derrière l’absence de décision de justice. En revanche, la ministre de la Culture, quant à elle, a souligné que « la contestation à travers l’art a toujours fait partie de notre tradition française ».

La vigilance vis à vis de ces questions est plus que jamais d’actualité. D’autant que l’on sait très bien qu’avec l’approche des élections présidentielles, le chiffon du FN va de nouveau être agité comme prétexte à tout accepter. Plutôt un pouvoir fascisant dit « de gauche » qu’un fascisme de droite ? Au sens strict, le fascisme est fondé sur la dictature d’un parti unique, nationaliste et anticommuniste. On pourrait donc s’offusquer de voir ce qualificatif associé à une république, fondée sur la démocratie et la trilogie Liberté, Égalité, Fraternité.
Mais comment qualifier une situation où le gouvernement piétine les engagements portés lors de la campagne électorale et se drape désormais dans les habits d’un état policier, fort, sécuritaire, où les droits de l’Homme sont de plus en plus bafoués, alors que ceux de la police sont a priori exemptés de tout contrôle ?