Crise sanitaire, le ministère perd les pédales !

Dans l’édition du vendredi 12 mars des Matins de France-Culture, Guillaume Erner recevait la ministre de la Culture.

Dans un contexte où les théâtres, les cinémas, les musées et les monuments demeurent fermés, et où cette décision administrative est de plus en plus mal ressentie tant par les professionnels que par l’opinion, on est bien sûr en droit de réclamer les raisons pour lesquelles le gouvernement s’entête à maintenir les lieux de culture fermés tout en ouvrant les commerces et en relâchant le contrôle sur les transports.

Comme, depuis un an, le gouvernement n’a jamais pris la peine de justifier sa décision, on attendait la parole de la ministre sur ce thème, on n’a pas été déçus :

Guillaume Erner :
On prête à Olivier Véran, le ministre de la santé, une interrogation sur le fait qu’il a du mal à expliquer pourquoi un Séphora est ouvert et pas le musée du Louvre. Vous, vous comprenez pourquoi ?

Roselyne Bachelot :
Oui, je comprends pourquoi. Je comprends pourquoi parce que je trouve que la comparaison d’un lieu de culture et d’un lieu commercial n’a rien à voir.
Un lieu de culture c’est un lieu de débat, c’est un lieu de contact, c’est un lieu d’interactions sociales.

Quand vous allez au cinéma, vous voyez un film, mais vous y allez avec des amis, un conjoint, vous discutez avant, vous allez vous retrouver dans le hall, sur le trottoir, vous allez avoir envie de boire un verre. Et on sait très bien que la majeure partie de la contamination se fait lors d’interactions sociales.

Donc, comparer une galerie marchande dans laquelle on fait une course et on repart et un lieu de culture qui est par définition un lieu d’échange et de convivialité, je trouve que c’est curieux que même des personnes qui défendent la culture fassent cette comparaison. Ce n’est pas recevable.

Et c’est tout !
Non, ce n’est pas un pastiche, on n’est pas aux Guignols de l’info, elle a vraiment dit ça, l’interview est, fort heureusement, disponible en ligne.

Mis à part le fait qu’on se demande si elle a une fois dans sa vie mis les pieds dans un centre commercial, on reste pantois de la profondeur de la pensée, culturelle et politique, qui conduit ce gouvernement à massacrer comme il le fait le monde de la culture. Les cinémas et les musées sont fermés parce que les gens vont boire un canon et que c’est là qu’ils se contaminent. On ne caricature pas, elle l’a vraiment dit.

Le ministère de la culture vient de fêter son soixantième anniversaire, mais qu’est-il devenu ? Peut-on imaginer Malraux en train de dire un truc pareil ? « Un lieu de culture c’est un lieu de débat, c’est un lieu de contact, c’est un lieu d’interactions sociales ». Difficile de faire plus langue de bois, pour en plus en tirer un motif pour le fermer.

Bon d’accord, ce n’est pas elle qui décide, être ministre de Macron ça veut dire avaler toutes les couleuvres et justifier n’importe quoi, mais quand même, le service commandé de la comm’ gouvernementale pourrait être rempli avec plus de finesse.
Parce qu’au passage, quel mépris pour le public – qui va se contaminer sur le trottoir. Quel mépris pour les professionnels qui ont tout organisé pour recevoir le public dans des conditions de sécurité satisfaisantes.

Mais le mépris pour les Français est rapidement devenu la marque du pouvoir LREM, on se souvient des Gilets Jaunes, « la France des fumeurs de clopes qui roulent au diesel » (B. Griveaux, octobre 2018), des manifestants contre la réforme du code du travail, « des fainéants et des cyniques » (E. Macron, septembre 2017), sans oublier les les chômeurs, qui n’ont « qu’à traverser la rue » alors qu’on « met un pognon de dingue dans les minima sociaux » (Macron, 2018).

Elle a de la chance, Roselyne Bachelot, que le monde de la culture et les agents du ministère soient si patients. Sa collègue Frédérique Vidal ne peut plus mettre les pieds dans une fac sans recevoir de tomates.

En attendant, ça bouge, ce week-end certains cinémas on décidé d’ouvrir, en respectant les protocoles sanitaires, contre Macron et sa police. Les artistes, les techniciens du spectacle, rejoints par d’autres précarisés de la Culture, occupent déjà un trentaine de lieux culturels en France depuis le Théâtre de l’Odéon au Centre Dramatique National de l’Océan Indien à Saint-Denis de la Réunion, du Quartz de Brest au ZEF de Marseille, du Théâtre national de Strasbourg au Théâtre de la Cité à Toulouse …

Le SNAC-FSU soutient ces initiatives et exprime sa sympathie à toutes les formes de résistance à cet arbitraire borné.

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