CNC : Arrête-moi si tu peux !

La Direction du Patrimoine Cinématographique (DPC) du CNC occupe le fort de Bois d’Arcy (78) où sont stockés les films anciens. Elle assure l’ensemble des missions liées aux collections : la conservation, la sauvegarde, la restauration et le catalogage. Elle a également en charge le dépôt légal et pour mission la coordination des grandes institutions patrimoniales françaises consacrées au cinéma.

Cette direction étant loin des yeux de la direction générale parisienne, elle s’accorde une grande autonomie dans ses pratiques et installe en douce un nouveau système de vidéosurveillance.

La CNIL, autorité administrative indépendante, est très claire sur les règles imposées aux employeurs quant à l’installation d’un système de vidéosurveillance – vidéoprotection au travail (https://www.cnil.fr/fr/la-videosurveillance-videoprotection-au-travail) :

– Les caméras ne doivent pas filmer les employés sur leur poste de travail.
– Les caméras ne doivent pas filmer les zones de pause ou de repos des employés.
– Les personnes concernées (employés et visiteurs) doivent être informées.
– Si les caméras filment un lieu ouvert au public, le dispositif doit être autorisé par le préfet du département.
– Les instances représentatives du personnel doivent être informées et consultées avant toute décision d’installer des caméras.

Ce laboratoire Yvelinois d’expérimentation d’un management autoritaire et volontiers punitif ne semble pas inquiéter outre mesure la direction de Paris (cf : La stratégie de l’araignée), pas plus que la situation alarmante du service laboratoire/restauration non réglée à ce jour, avec plus de 400 jours d’arrêt de maladie ordinaire pour 15 agents, malgré les alertes RPS répétées depuis mai 2019 (cf nos communiqués : Le rouge est mis – un virage inquiétant dans la politique de restauration des collections et le 29 mai 2019 – Vipère au poing – le 30 janvier 2020).

Le dernier événement en date, que nous avons découvert fortuitement est emblématique des pratiques en vigueur dans cette direction. Le 9 novembre dernier, à la fin d’un CHSCT extraordinaire sur la situation sanitaire, un élu FSU relaie auprès de la direction les interrogations que suscitent chez des agents la modification du système de vidéosurveillance du site de Bois d’Arcy.
En effet, les écrans de contrôle du système de vidéosurveillance, présents dans le sas d’accès au site sont visibles par toutes les personnes pénétrant ou sortant du fort de Bois d’Arcy. Les agents peuvent constater ainsi qu’une caméra filme la zone où s’effectuent leurs pauses et s’en inquiètent auprès d’un représentant du personnel FSU.

Question est donc posée aux représentants de l’administration à la fin du CHSCT du 9 novembre. Il nous est alors répondu que cela est étonnant et que les angles de prise de vues des caméras vont être vérifiés. Un représentant de l’administration se saisit alors de cette interrogation de l’élu pour lui demander comment il pouvait avoir accès aux images, insinuant par là qu’il avait accédé à une zone réservée.

Ce réflexe pavlovien de tenter de mettre en défaut un élu lorsqu’une information ou un fait dérangeant sont portés à la connaissance de l’administration devient récurrent au CNC. Plutôt que de se saisir de cette question pour travailler conjointement avec les élus afin de lever les doutes et rassurer le personnel ou simplement remédier au problème soulevé, cette question peu avisée, reflète bien cette ambiance constructive dans laquelle travaillent vos élus CHSCT pour tenter de remplir leur mission.

Suite à notre demande d’information des salariés (procédure obligatoire), un communiqué est enfin envoyé le 16 novembre 2020 à tous les agents du site pour les tenir informés de la modification du système de vidéosurveillance :

– l’implantation de nouvelles caméras et la mise en place d’un système d’enregistrement seraient justifiées suite à la préconisation du référent sûreté du commissariat de police de Plaisir. D’après le message de l’administration : « Le système installé respecte parfaitement la réglementation en vigueur », qui reconnait toutefois quelques lignes plus loin : « Le système est en train de faire l’objet d’une déclaration auprès de la Préfecture des Yvelines ».

Ce n’est que le 15 janvier 2021, suite à une relance du secrétaire du CHSCT que tous les documents relatifs à la vidéosurveillance sur le site de Bois d’Arcy étaient enfin transmis aux élus du CHSCT.

Après étude de ceux-ci, nous apprenons la mise en service d’un nouveau système de télésurveillance en date du 17 septembre 2020, sans aucune information préalable des instances représentatives du personnel et des agents, sans demande préalable d’autorisation à la Préfecture.

La demande d’autorisation d’installation du système de vidéoprotection ne sera faite qu’après notre intervention en CHSCT, le passage en commission en Préfecture n’aura pas lieu avant le 2 février 2021. La préfecture rappelant que :  » l’installation et le fonctionnement de tout système de vidéoprotection sont subordonnés à la délivrance préalable de l’autorisation préfectorale ».

En réponse à nos demandes d’éclaircissements, nous sommes stupéfaits de l’argumentaire déployé pour justifier ces manquements graves. Il y aurait eu tout à coup urgence à procéder à cette nouvelle installation pour la sécurité et la protection des personnels travaillant sur le site. Comment se fait-il que face à cette urgence, relative à la sécurité des personnels du site menacée, le secrétaire du CHSCT n’en soit pas informé et qu’aucun CHSCT extraordinaire n’ait été convoqué ?

L’argumentaire finissant crânement sur le fait qu’en cas de contrôle de la Préfecture, l’administration communiquerait ses arguments et qu’elle assumerait une éventuelle mise en demeure. Nous sommes fort impressionnés par ces responsables volontiers donneurs de leçon qui s’affranchissent avec autant de désinvolture de leurs obligations.

Nous ne pouvons qu’être inquiets face à ces dérives attentatoires aux libertés, au droit à l’image et d’autres droits fondamentaux accessoires. Si l’établissement est dans l’illégalité, ce serait uniquement pour protéger les agents à qui ces modifications ont été soigneusement cachées, inutile de les inquiéter. Une sorte d’Etat d’urgence permanent pour la direction du patrimoine cinématographique qui autorise tous les comportements déviants d’une direction totalement décomplexée.